Pour introduire ce petit compte-rendu de l’Energietour du 25 avril à Trèves en Allemagne, rappelons qu’en Allemagne le prix de l’électricité est beaucoup plus élevé qu’en France (+50% environ). Ce qui explique que les efforts pour l’économiser sont plus importants. Bien que cette électricité chère soit due à une électricité plus polluante à produire (remplacement du nucléaire par du pétrole et du charbon), elle aura au moins permis de leur donner une avance dans les mesures d’économies d’énergie et dans le développement technologique des éoliennes et des panneaux solaires.
1. La tour énergétique de Trèves
Le premier bâtiment visité est la maison de l’un des organisateurs. C’est une maison de 1951, donc sans isolation. Elle a subit une série de travaux de rénovation énergétique de 1992 à aujourd’hui. Alors bien sûr l’exemple va paraître un peu compliqué étant donné qu’il y a beaucoup de systèmes différents utilisés. Mais il s’agit là d’une sorte de laboratoire, son propriétaire Matthias Gebauer travaillant pour la ville de Trèves dans le domaine de l’énergie.
Parmi les systèmes remarquables, un système de chauffage de l’eau (chauffage + ECS) composé de trois sources d’énergie à savoir 10% de Mazout pour les périodes de pointe, 20% de solaire thermique et 70% à la bûche de bois. Le tout est relié à un double ballon d’eau chaude de 1500 litres. Le ballon étant vertical, l’eau est pompée plus ou moins haut selon l’utilisation, ainsi l’eau du chauffage basse température peut-elle être prise à 30° au lieu de 70°. L’installation est partagée avec le voisin qui auparavant se chauffait à l’électricité, ce qui est déjà cher en France et donc encore plus en Allemagne. Ainsi les deux voisins sont-ils gagnants, l’un faisant un léger bénéfice en revendant son eau chaude légèrement plus chère que ce qu’elle lui coût, l’autre voisin y gagnant en coût par rapport à son installation électrique.
Au delà des différentes mesures standards de rénovation (changement des fenêtres, isolation des murs..) évoquons les techniques les plus originales. L’une a été d’habiller la façade Sud par du verre derrière lequel sont placés tantôt des capteurs solaires thermiques tantôt des petits tubes en plastique de la taille d’un gros stylo et tous empilés horizontalement donnant une image d’alvéoles d’abeilles. Ce dernier système permet de collecter de la chaleur en canalisant les rayons solaires quasi-horizontaux (en hiver quand le soleil est bas) vers le mur peint en noir. En été le soleil plus haut est réfléchis par les tubes en plastique. Le système est franchement original, mais il doit être utilisé avec modération sous peine de surchauffe en été. Autre originalité les capteurs solaires thermiques sont fait main par le propriétaire.
2. La maison Hill, rénovation et extension
Il s’agit d’une maison originellement construite en 1969, donc là aussi sans isolation. Sa rénovation progressive a commencée en 1995 et encore actuellement des ajouts sont en travaux. La maison a été isolée au départ avec 16cm d’Isofloc, puis par la suite avec 40cm de laine de chanvre. Les vitrages ont été remplacés par du triple vitrage en menuiseries bois recouvert d’aluminium, ce qui est plus cher mais ne nécessite pas d’entretien. Un étage entièrement en structure et parement bois a été ajouté avec un toit végétalisé même sur ses pans en pentes. D’ailleurs le toit est accessible (sans sécurité) et offre un jardin suspendu très agréable pour lire par exemple avec une vue sur le paysage environnant. Un banc et un petit bassin à poissons ont été aménagés sur le toit, et ce dernier sert aussi de jardins de plantes avec de la ciboulettes et du persil. Enfin une VMC double flux, un puits canadien et une chaudière à pellets ont été installés dans la maison. Dans toute la partie nouvelle, qui correspond au second étage, des tubes parcourent l’intérieur des cloisons sur le même principe qu’un plancher chauffant basse température.
La VMC double flux est un choix courageux qui a nécessité beaucoup de travaux. C’est d’autant plus visible que pas mal de tuyaux ne sont pas cachés. Cela dit ces efforts ont été récompensés par le fait que l’intérieur est très agréable, la chaleur étant uniforme et l’air plus sain. Les revêtements intérieurs sont en terre glaise, ce qui a son charme et ce qui joue un rôle de régulation de l’humidité de l’air puisque la glaise a la propriété d’absorber l’humidité rapidement puis de la restituer sur la longueur.
3. La maison Kontor
Dieter Kontor est un architecte qui réalise beaucoup de projets passifs. Aussi a t-il réalisé sa maison au niveau Passivhaus. La maison est entièrement bâtie à partir d’une structure bois préfabriquée. Ce qui permet d’atteindre le clos-couvert en cinq jours. La ventilation est assurée par une VMC double flux programmable ce qui permet par exemple de programmer une surventilation tous les matins en été afin de stocker de la fraicheur. Tous les équipements et prises électriques sont contenus dans les cloisons et dans le sol afin de préserver les murs extérieurs de trous qui pourraient nuire à l’étanchéité du bâtiment. Le test d’étanchéité à l’air coût entre 350 et 400€, et plus si il faut faire une chasse aux fuites. L’eau chaude est produite par une PAC (pompe à chaleur).
En Allemagne on paye pour l’eau propre consommée mais aussi pour l’eau rejetée dans les réseaux d’évacuation. Du coup le toit végétal est particulièrement rentable puisqu’il permet de réduire de 70% l’eau rejetée. Les 30% restant ne sont pas non plus rejetés mais stockés dans un réservoir qui alimente les chasses-d’eau ainsi que la machine à laver le linge et le système d’arrosage. Ce système de taxation de l’eau rejetée semble particulièrement pertinent puisqu’il responsabilise les citoyens et entreprises sur le coût de retraitement des eaux usées. Encourageant ainsi les toits végétalisés et la collecte des eaux de pluie pour des utilisations annexes. Cela dit ce système crée aussi la polémique outre-Rhin puisque du coup les réseaux d’évacuations ont tendance à s’assécher et à rendre le retraitement des eaux usagées plus compliqué.
Le coût de construction en 2005 a été de 1600€/m² TTC tout compris. Cependant avec la hausse des prix de la construction l’équivalent en 2009 est estimé à 1900€/m² TTC tout compris. Bien sûr on ne tient pas compte ici du prix du terrain. Une maison passive a un surcoût évalué à 20% dans le cadre d’une maison individuelle et à 10% dans le cadre d’une maison mitoyenne sur deux côtés.
4. La première maison en paille porteuse d’Allemagne
Cette maison pour le moins originale se situe sur un domaine agricole. Cela n’est bien sûr pas un hasard puisque du coup l’on y retrouve tous les ingrédients nécessaires à ce type de construction:
- Un terrain large et abordable
- De la paille provenant d’un champ très proche
- Les engins de manutention agricole sur place
Les murs sont constitués de bottes de paille de 90x125x250 cm (hxlxL). En guise de revêtement les murs sont couverts d’une couche de terre glaise de 4 à 5 cm aussi bien sur la face intérieure que sur la face extérieure. L’ensemble donne des murs de 130 cm d’épaisseur, d’où l’importance d’avoir un terrain large et pas cher. Les murs ainsi obtenus respirent et restent secs. Il faut bien noter que contrairement à ce que l’on pourrait croire les bottes de paille ne peuvent pas brûler ni se tasser. Cela est du au fait qu’elles sont tellement denses qu’il n’y a pas suffisamment d’air pour permettre leur combustion.
Les fondations sont constituées d’une couche de cailloutis d’ardoise sur laquelle repose une couche de 90 cm de bottes de paille. Les cloisons sont constituées de la même manière que les murs (glaise – paille – glaise) mais sont bien sûr bien moins larges. Dans la salle de bain une partie des cloisons sont recouvertes de carrelage sans que cela ne pose de problème. Il en est de même avec le papier peint dans certaines pièces. Les larges baies vitrées au sud sont constituées de triple-vitrage fixés sur un grand cadre en bois. Enfin la toiture est une structure bois avec de l’isolation en bottes de paille, le tout recouvert par du bac acier.
Pour ce qui est de l’équipement, on retrouve une petite PAC qui fournit l’ECS (eau chaude sanitaire) et permet d’apporter un appoint de chaleur à la maison en cas de grand froid par l’intermédiaire de la VMC double flux. La maison dans son ensemble a reçu le sévère label Passivhaus, pour un coût total de 80.000 € pour 105 m²n soit un rapport record de 762 €/m² (hors terrain). Au final on obtient donc une maison construite à partir de matériaux naturels et locaux tout en atteignant le label Passivhaus et en conservant un coût de construction particulièrement bas. A noter que contrairement à ce que l’on pourrait penser la paille est un matériau durable puisque la plus ancienne maison en paille date de 1870 et est encore en bon état et habitée.
5. La maison Herbert au label Passivplus
Cette fois nous rejoignons un nouveau quartier de Trèves, bâtit sur le terrain d’une ancienne caserne militaire française. Le quartier est constitué de logements intermédiaires, à savoir principalement des maisons individuelles mitoyennes et quelques appartements. Le quartier a une architecture et un urbanisme très contemporain, comme on aimerait en voir davantage en France. La maison visitée est celle d’un entrepreneur allemand qui a profité de cette maison pour faire une sorte de vitrine-laboratoire. En effet celle-ci est équipée d’une multitude d’équipements et de techniques dernier cri, lui permettant d’ailleurs d’obtenir le label Passivplus. Un label supérieur au label Passivhaus déjà exigeant et reconnu. Le résultat est impressionnant bien sûr, mais l’on ne peut s’empêcher de penser que le coût l’est aussi. L’ensemble constitué d’une maison et de trois appartements a coûté la bagatelle d’un million d’euros, sans compter le terrain.
Le terrain est réellement privilégié puisque l’on a une vue dominante sur tout le paysage environnant. Cette vue a été très bien mise en valeur par un généreux jardin d’hiver donnant sur une large terrasse en bois. Le jardin d’hiver est une large verrière constituée de menuiseries triple-vitrage, dont la feuille centrale est une plaque plastique transparente qui renvoi le rayonnement du soleil. Ainsi, sans protection aucune en été, la pièce conserve-t-elle une température au pire égale à la température extérieure. Pour s’assurer qu’il n’y ait pas de surchauffe en été les murs sont rafraichis par un circuit d’eau relié à une PAC. De plus le secteur de la verrière est sur un circuit de ventilation séparé pour pouvoir activer une surventilation si nécessaire. Il faut bien avouer que la mise en œuvre et les finitions sont impeccables, cette verrière et la terrasse qui l’accompagne respirent la qualité. Mais je ne peux m’empêcher de penser que cette débauche de moyens aurait pu être évité par de simples vélums extérieurs.
Autre produit spécifique utilisé, une isolation à base de poudre comprise dans des emballages d’aluminium. Ces plaques d’isolation ont une épaisseur de 4 ou 5 cm avec la même efficacité que 25 cm de laine de verre. Les deux inconvénients de ce produit sont son prix et le fait qu’on ne peut pas le découper sur place. Si l’on souhaite une mesure particulière c’est sur commande et plus cher. Il reste quand même très utile pour des cas particuliers, comme une terrasse que l’on veut isoler par l’extérieur sans qu’elle soit trop haute par rapport au sol intérieur, ou en application intérieure pour un cadre de fenêtre dans le cadre d’une rénovation.
Conclusion
Cet Energietour à Trèves a eu le mérite d’être riche en visites, et de nous présenter pas mal d’expérimentations et de techniques originales. De plus les encadrants en plus d’être particulièrement sympatiques sont très renseignés sur le sujet puisque ce sont tous les deux des professionnels de l’énergie : Matthias Gebauer consultant en énergie dans l’habitat et Johannes Hill conseiller environnement pour la ville de Trèves. Enfin, cerise sur le gateau, des fiches techniques nous ont été distribuées, nous permettant de conserver les données clés des projets visités.
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