La Chambre de Métiers et de l’Artisanat de Moselle a organisé avec le soutien du Conseil Général de la Moselle un voyage d’étude de trois jours dans le Vorarlberg en Autriche. Ce voyage qui a eu lieu du 13 au 15 juin 2010 avait pour but de sensibiliser les artisans, les élus et les architectes sur le thème du bâtiment et du développement durable. Dans le contexte actuel il est en effet urgent que tous les acteurs du bâtiment prennent conscience de l’ampleur de la tâche qui nous attend si nous souhaitons pouvoir produire massivement des bâtiments à basse consommation d’énergie.
Pourquoi le Vorarlberg ?
Le Vorarlberg est une région d’Autriche qui est reconnue dans toute l’Europe pour son savoir-faire concernant la conception et la fabrication de bâtiments à faible consommation en énergie et à faible empreinte écologique. Les « Vorarlberger baukünstler », groupe d’architectes et de charpentiers autrichiens du Vorarlberg ont en effet développé leur approche durable de la construction dés le début des années 1980. Pour arriver à cette réussite impressionnante tant d’un point de vue technique, qu’architectural et économique, tout le monde a dû faire un effort : les architectes, les artisans, la population mais aussi les politiques. Cette forte volonté qui les anime leur a permis de mettre en place des solutions surprenantes et novatrices comme vous pourrez le voir tout au long de ce compte-rendu.
Le centre communal de Ludesh
Le centre communal de Ludesh est un projet emblématique du Vorarlberg. Ce centre communal regroupe la Mairie, un bureau de poste, une bibliothèque, une salle de réunion, une salle de musique, un bar-restaurant,une garderie d’enfants, deux petits appartements, des commerces et des locaux associatifs. L’objectif de ce projet est de recréer un centre de village actif, en regroupant différentes activités.
Ce projet prend place sur le terrain de l’ancienne mairie. Cette dernière a posé des problèmes lors de sa déconstruction en ce qui concerne le recyclage des matériaux. En effet le bois traité ainsi que le béton contenant des adjuvants ne peuvent pas être recyclés. Il a donc été prévu pour ce nouveau projet de prévoir son recyclage en fin de vie en utilisant largement du bois non traité. Ainsi tout le bois utilisé, même le bardage extérieur, est non traité et provient de forêts locales. Le bois a simplement été séché. Seul le bois recouvrant le sol est enduit d’une huile naturelle. Si en France l’utilisation de bois non traité peut paraître surprenante, dans le Vorarlberg c’est devenu une habitude. Les constructions ainsi réalisées sont durables et ne nécessitent aucun entretien. Il faut simplement accepter le fait qu’avec le temps le bois va griser et donc perdre sa couleur caractéristique.
En Autriche les constructions peuvent recevoir des aides si elles ne contiennent aucune forme de PVC. Ainsi, le centre communal a été entièrement réalisé sans PVC. Seuls les câbles électriques font exception à la règle. L’eau chaude sanitaire est chauffée à l’aide de panneaux solaires thermiques. Le coût de construction a été de 1882 € HT par m² habitable pour un total de 14,3 Millions d’euros dont 380.000 euros de panneaux photovoltaïques. Ce bâtiment répond aux standards de l’habitat passif.
Le centre communal de Sankt-Gerold
Sankt-Gerold est une toute petite commune de 380 habitants, très proche de Ludesh. Et c’est tout naturellement que le maire de cette commune a voulu s’inspirer de l’expérience de Ludesh pour réaliser le centre communal de son village. Ce centre communal comprend une crèche, une garderie d’enfants, une boutique, la mairie, et une petite boutique locale.
Pour le concours architectural, cinq architectes ont été présélectionnés pour réaliser une esquisse. Malgré la demande de la Mairie d’un toit à deux pans, quatre esquisses sur cinq ont proposé un toit plat. Le projet sélectionné est très compact et est le premier bâtiment de quatre niveaux entièrement en bois du Vorarlberg. Tout le bois constructif est du pin blanc prélevé sur le territoire de la commune. Sur ce projet la volonté était forte de profiter de l’expérience de Ludesh pour aller encore plus loin. Ainsi tout le bois est non traité y compris le revêtement de sol. Même la cage d’ascenseur est en bois ce qui est une première mondiale. Le sol de la crèche est lui aussi non traité, ce qui fait que le sol est tâché des couleurs de la peinture utilisée par les enfants. Mais ce choix est volontaire et assumé.
La consommation énergétique du bâtiment s’élève à 10,5Kwh/m²/an pour le chauffage à multiplier par les 570m² de surface habitable. Le projet a coûté 1.870.000 € HT auxquels il faut ajouter 330.000 euros HT d’aménagements extérieurs. La VMC double flux pulse l’air en bas des fenêtres par des grilles en bois, et l’air est extrait au niveau du plafond. L’isolation est constituée de 30 cm de laine de bois d’une densité comprise entre 30 et 40 kilos par mètre cube auxquels s’ajoutent 5 cm de laine de mouton. Ici même les câbles électriques se passent de PVC. Cela entraîne un surcoût de 40% du matériel électrique. Selon le maire ce surcoût est faible au regard du budget total du bâtiment.
Au-delà de la volonté d’économiser l’énergie nécessaire au fonctionnement du bâtiment il y a eu une vraie réflexion sur l’utilisation d’éco-matériaux. En plus d’assurer un air sain aux occupants du bâtiment, cela permet d’avoir une empreinte écologique plus légère au niveau même de la construction. Avec un bâtiment passif, si cette réflexion n’a pas lieu, la simple construction du bâtiment peut facilement représenter cent à deux cents ans de la consommation énergétique du bâtiment pour le chauffer et l’éclairer.
Le collège de Klaus
L’objectif de la municipalité de Klaus était de réduire la consommation énergétique du collège. L’ancien collège consommait 120kwh/m²/an, le nouveau n’en consomme plus que 11,47. Ce premier établissement scolaire passif regorge d’astuces, à commencer par les vitrages des façades Est et Ouest qui combinent un vitrage haut qui peut être occulté par des persiennes à un vitrage bas naturellement protégé du soleil par une avancée. Ainsi les élèves assis peuvent avoir une vue sur l’extérieur même lorsque les persiennes sont fermées. Une autre astuce réside dans le bassin extérieur qui en plus de son aspect décoratif offre une réserve d’eau en cas d’incendie. Ce bassin de 3m50 de profondeur est équipé d’une grille de sécurité à 6cm de profondeur afin d’éviter toute noyade.
Les vitrages sont tellement isolants, que la neige qui tombe sur les éclairages zénithaux en hiver ne fond pas. Le chauffage est intégralement distribué par le soufflage de la VMC. En hiver 12 mètres cube d’eau par mois sont consommés pour humidifier l’air. Le puits canadien est composé de trente tuyaux qui passent sous le bâtiment à 4m50 de profondeur. Ce puits canadien fait gagner à l’air 12° en hiver et lui fait perdre 5° en été.
Rénovation au standard passif de logements sociaux à Dornbirn
La rénovation de ces logements sociaux a permis de faire passer leur consommation en chauffage de 180kwh/m²/an à 15kwh/m²/an. Cette rénovation a coûté 785€ par m² habitable. L’originalité de cette opération tient au fait qu’elle a été réalisée tout en conservant les habitants chez eux. Les travaux ont été concentrés sur huit mois pour limiter la gêne. Le problème des ponts thermiques générés par les balcons a été contourné en isolant intégralement les balcons. Ainsi l’opération aura même permis aux habitants de gagner quelques mètres carrés habitables.
Rénovation d’un établissement bancaire à Wolfurt
Ce projet de rénovation est particulièrement lourd puisqu’il va bien plus loin qu’une simple rénovation énergétique. Le budget s’en ressent d’ailleurs avec un coût de 3.300€/m² HT. La première action de l’architecte a été de supprimer tous les éléments rapportés afin de simplifier le volume du bâtiment et de réduire ainsi les surfaces d’échanges avec l’extérieur. Ensuite les dalles ont été percées afin d’ouvrir un grand atrium. En plus de l’impression d’espace, l’atrium permet d’apporter de la lumière naturelle en abondance dans les bureaux. Cet atrium sert enfin à la ventilation de l’ensemble du bâtiment, puisque l’air neuf est soufflé en dessous des fenêtres et est aspiré en haut de l’atrium. La partie vitrée qui coiffe l’atrium est réalisée avec un verre spécifique (prismes) qui canalise la lumière vers le rez-de-chaussée de la banque. Ce même verre a la particularité d’éviter les apports de chaleurs du soleil en été et de filtrer les rayons ultraviolets ce qui permet de se passer d’un brise-soleil extérieur.
L’enveloppe du bâtiment existant a été entièrement déposée pour la remplacer par une façade en ossature bois avec une isolation de 35cm de laine de roche. A l’intérieur le seul bois utilisé est le chêne parce qu’il est plus dur que le sapin blanc et qu’il a un aspect plus noble. Le bardage extérieur est en ardoise calepiné sur le rythme des tavaillons. L’idée étant de faire un clin d’œil au village dont la plupart des habitations sont bardées de tavaillons, tout en donnant un aspect plus massif, propre aux établissements bancaires.
La banque est équipée d’une PAC réversible sur nappe phréatique. Le rafraîchissement de l’air se fait par les faux-plafonds en aluminium alvéolaire. Ainsi chaque dalle de faux-plafond permet un rafraîchissement individuel. Ces dalles sont suspendues sur des petites poulies qui permettent de faire descendre les dalles pour assurer leur entretien. Le sol est en silicate sur plots, il permet le passage de l’électricité et des câbles réseaux. L’ensemble de la rénovation a coûté 4 millions d’euros HT pour 1200m² habitables. Elle a permis de passer d’une consommation énergétique de 150 à 20kwh/m²/an.
Conclusion
Beaucoup de ces exemples ont des coûts qui peuvent paraître trop importants. Il faut bien noter que certaines opérations comme celle de la banque utilisent des matériaux et des systèmes luxueux qui proviennent plus d’un besoin d’image de marque de la banque que du coût véritable des techniques de construction à faible consommation d’énergie. Pour les bâtiments municipaux, les mairies ont fait le calcul du coût sur 30 ans (construction + entretien); ce calcul permet de comprendre la rentabilité de l’effort initial à la construction. Leur réflexion dépasse même la vie des bâtiments puisqu’ils ont prévu le démontage et le recyclage de ceux-ci, ce qui leur permet de ne pas laisser ce problème aux générations futures.
L’autre point clé que l’on pourra retenir de ce voyage est l’importance de développer une filière bois dans notre région. Le bois est un matériau sain, écologique, et même plutôt économique une fois qu’il est produit en quantité. Alors que souvent l’on me demande les difficultés d’entretien et la durée de vie des constructions en ossature bois, l’Autriche répond parfaitement à la question avec des constructions qui restent en parfait état 20 ans après et ce sans entretien. Le bois n’étant ni traité, ni peint, il n’y a pas à le repeindre tous les dix ans. Il faut juste accepter que celui-ci va perdre sa couleur originelle pour griser. Le bois de robinier qui est très utilisé dans le Vorarlberg a une durée de vie comprise entre 200 et 300 ans, ce qui laisse le temps de voir venir.
Remerciements
J’adresse mes remerciements à la Chambre de Métiers et de l’Artisanat de Moselle, et en particulier à l’équipe organisatrice, qui m’a permis de participer à ce voyage très intéressant, ainsi qu’à Claire Boulanger qui m’a généreusement permi d’utiliser ses photos pour illustrer ce compte-rendu.
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